« Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? »

Le 11 février prochain, notre Église Catholique célébrera le 165ème anniversaire de la première apparition de la Très Sainte Vierge Marie à Bernadette Soubirous, et le 18 la fête de cette dernière. Les événements de Lourdes ont une grande signification pour le monde entier, mais tout particulièrement pour notre région apostolique dans laquelle est situé ce sanctuaire et dont l’un des prêtres de la période, le P. Marie-Antoine, né à Lavaur, mais dont le tombeau est situé dans le couvent des capucins de Toulouse qu’il a fondé, fut le premier à lancer les pèlerinages. 

L’une des premières paroles de la Mère de Dieu lors de ces apparitions est : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Elles manifestent la grande délicatesse de Marie qui, s’adressant à une petite jeune fille pauvre et de santé précaire, l’honore en la vouvoyant comme une grande personne et en lui laissant une pleine liberté de répondre ou non à son invitation. Nous comprenons aussi qu’à travers Bernadette elle s’adresse à chacun de nous, nous incitant à répondre à son appel, ce que la petite voyante s’est empressée de faire. Aux yeux de Dieu, aucun être humain n’est indigne d’entrer en relation avec Lui. La petite Marie de Nazareth a pu elle-même s’en rendre compte le jour de l’Annonciation.

Le 18 février, la Sainte Vierge a également donné à Bernadette un message intime : « Ce que j’ai à vous dire, ce n’est pas nécessaire de le mettre par écrit ». Ainsi que le commente l’auteur du site internet de Lourdes : « Cela veut dire que Marie veut entrer avec Bernadette dans une relation qui est de l’ordre de l’amour, qui se situe au niveau du cœur. Bernadette est d’emblée invitée à ouvrir les profondeurs de son cœur à ce message d’Amour ». Ce sont finalement dix-huit apparitions du 11 février jusqu’au 16 juillet (jour de la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel) suivant dont bénéficiera Bernadette.

L’une des autres paroles de Marie atteste aussi que la vocation de Bernadette, et, par conséquent, celle de tout chrétien profondément croyant, ne sera pas un chemin de roses : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». C’est à la fois la promesse d’un bonheur éternel après la mort, mais aussi d’une vie à l’imitation du Christ qui ira jusqu’à vivre sa Passion, à la mesure de ses forces humaines, pour participer pleinement à sa Résurrection. N’est-ce pas là le sens réel du baptême chrétien ?

L’un des premiers obstacles sur la route de Bernadette sera l’attitude très réservée, presque hostile, du curé de Lourdes, le P. Peyramale, lorsque prenant son courage à deux mains elle ira lui dire de la part de Marie : « Allez dire aux prêtres qu’on bâtisse ici une chapelle et qu’on y vienne en procession ». Voilà de quoi faire peur au pasteur d’une petite bourgade située au pied des Pyrénées. C’est pourquoi il impose à la jeune fille de demander à l’Apparition une preuve de son identité. On connaît la retentissante réponse de Marie formulée en patois bigourdan : « Que soy era Immaculada Concepciou », en français « Je suis l’Immaculée Conception », phrase dont Bernadette ne peut absolument pas comprendre le sens, puisqu’elle en est encore à apprendre les rudiments du catéchisme. Elle ignore a fortiori qu’il s’agit là d’une question fort débattue dans les milieux théologiques de la période et encore plus dans l’entourage du pape Pie IX, lequel a finalement promulgué le dogme de l’Immaculée Conception quatre années auparavant. L’Immaculée Conception, c’est selon les termes mêmes du dogme : « Marie conçue sans péché, grâce aux mérites de la Croix du Christ ». Lorsque Bernadette se répète sans arrêt cette phrase en courant tout le long du chemin, c’est pour la transmettre à Monsieur le Curé qui est alors immédiatement convaincu de la vérité des Apparitions. Après maintes rencontres avec Bernadette, Mgr Laurence, évêque de Tarbes et Lourdes, authentifiera celles-ci le 18 janvier 1862.

Comme pour confirmer l’ annonce concernant le bonheur à attendre non dans ce monde mais dans l’autre, Marie demande à Bernadette d’accomplir entre la huitième et la douzième apparition des « gestes incompréhensibles : marcher à genoux jusqu’au fond de la Grotte, embrasser le sol sale et dégoûtant de celle-ci, manger quelques herbes amères ; gratter encore le sol et essayer de boire de l’eau boueuse ; se barbouiller le visage avec de la boue » (site internet des Sanctuaires de Lourdes), au point que la foule présente se met à la croire folle.

Et pourtant, il s’agit là du cœur du message de Lourdes, cad un appel à la pénitence en imitation du Christ Sauveur, Serviteur Souffrant (voir les chants du Serviteur d’Isaïe que nous réentendrons pendant la Semaine Sainte), celui dont Paul dans la Lettres aux Philippiens avait dit : « Lui qui est de condition divine n’a pas revendiqué son droit d’être traité comme Dieu, mais il s’est dépouillé prenant la condition d’esclave. Devenant semblable aux hommes et reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Ph 2, 6-8). C’est pourquoi, ajoute Paul « Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue proclame que le Seigneur, c’est Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père » Ph 2, 9-11).

Aspirant de tout son cœur à être sainte, Bernadette, qui se retire au couvent de Nevers de 1866 jusqu’à sa mort survenue le 16 avril 1879, essaiera de suivre ce chemin à la suite du Christ. Épouse du Christ, elle s’efforcera jusqu’à la fin, consciente de ses propres limites, de « tout souffrir en silence pour plaire à Jésus ». En reconnaissance de cette vie d’offrande et à la suite de miracles obtenus par son intercession, en prenant en compte la préservation totale de son corps, le pape Pie XI la béatifiera le 14 juin 1925, puis la canonisera le 8 décembre 1933, jour de la Solennité de l’Immaculée Conception.

par Jean-Louis Brêteau, diacre

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